Cambrai et la Première Guerre mondiale

Le 26 août 1914 les Allemands entrent dans Cambrai. S'ensuivent quatre années d'occupation qui bouleversent la vie quotidienne.

Par Clotilde Herbert.

Quatre années d'occupation

Cambrai à l'été 1914 présente un urbanisme hérité du Moyen Âge, avec des rues étroites et sinueuses. Seul aménagement : le démantèlement des fortifications décidé en 1892.

Vu sa position géographique dans le conflit, Cambrai devient une ville d'arrière-front, avec réunions d'état-major, convois militaires ; elle est une base de ravitaillement et de soins, ce qui lui vaut de nombreux bombardements.

La ville connaît peu de combats. Néanmoins, avec l'avancée des troupes britanniques en 1917, la ville est le théâtre d'une action intense et novatrice : la première  bataille de Cambrai (20 novembre au 7 décembre 1917). Ce fut la première expérience de bataille avec l'utilisation massive de blindés, occasionnant 100 000 morts au total. Du 8 au 10 octobre 1918 se déroule la seconde bataille de Cambrai.

Obligations, réquisitions, interdictions, mobilisations sont annoncées régulièrement par voie d'affichage. Il faut aussi héberger l'ennemi, qui à partir de 1917 démonte les usines.

Victor Ramette à la tête de la municipalité s'oppose à plusieurs reprises à l'occupant ; il est destitué, exilé, meurt à la fin de la guerre. Jonathan Demolon le remplace. Les autorités municipales contribuent à maintenir les distances avec l'occupant. L'attitude des autorités religieuses est plus complexe.

La population entame une résistance active dans un premier temps puis la résignation s'installe. On manque d'informations, car on ne dispose que de journaux de propagande (La Gazette des Ardennes, le Bruxellois).

La ville a le soutien du CRB (Committee for relief of Belgium) mais les rations alimentaires deviennent des rations de survie. Cambrai voit la recrudescence de la tuberculose, du scorbut, des dépressions, des vols, de la mendicité, de la prostitution...

Bon de monnaie.

Bon de monnaie - fonds Sattler, ES 195.

Évacuation et libération

Les Allemands organisent l'évacuation de la Ville du 6 au 8 septembre 1918, par chemin de fer et bateaux-péniches. 23 000 personnes sont déplacées, ne reste qu'une poignée d'habitants réunis autour de l'abbé Thuliez curé de Saint-Druon.

Affiche annonçant l'évacuation de la ville.

Affiche annonçant l'évacuation de la ville de Cambrai - Fonds Briffaut, A1.

L'ennemi pille et incendie Cambrai avant son départ. Durant la nuit du 8 au 9 octobre, les Canadiens entrent dans Cambrai et libèrent une ville fantôme en ruine.

Bilan humain et matériel : « La ville offre une vision d'apocalypse »

Pour l'arrondissement de Cambrai, 116 communes et 46 463 immeubles sont sinistrés. La ville compte 600 victimes militaires et des victimes civiles dont plus de 2000 lors de l'évacuation.

Elle a été fortement détruite à cause des bombardements puis de l'incendie final. Le centre ville est complètement dévasté.

Photographie du centre-ville de Cambrai en ruine.

Photographie du centre-ville de Cambrai en ruines - fonds Giraud, PG 86

On s'accorde généralement sur les chiffres de 903 immeubles détruits et 5485 endommagés, sur un total de 6400 bâtiments existants avant 1914. Les réseaux d'eau, de gaz et d'électricité sont hors service, les voies de communication coupées. 

Certains villages du Cambrésis sont détruits à plus de 90%.

Film de la libération de Cambrai en octobre 1918.

Film de la libération de Cambrai en octobre 1918 - Imperial War Museum, IWM 345.

L'après-guerre

Le 14 septembre 1919, la ville de Cambrai toujours en ruine reçoit la croix de chevalier de la légion d’honneur des mains du président Poincaré.

Cambrai, occupée par l’ennemi dès les premières semaines de la guerre, n’a jamais désespéré. Ruinée, pillée, à moitié détruite, ses habitants chassés par l’ennemi dans d’odieuses conditions, a tout supporté avec la plus belle énergie. Ville martyre qui a bien mérité du pays.

Raymond Poincaré

Journal officiel de la République française, lois et décrets, 14 septembre 1919.

Photographie de la cérémonie de la remise de la légion d'honneur à la ville de Cambrai le 14 septembre 1919.

Photographie de la cérémonie de la remise de la croix de chevalier de la légion d'honneur à la ville de Cambrai le 14 septembre 1919 - BnF, EI-13 (671).

Avec l'ampleur des destructions, il faut parer à l'urgence, reloger, sécuriser et reconstruire, la vie doit continuer.

La Ville va être ensuite repensée dans son intégralité avec l'architecte Pierre Leprince-Ringuet, en conjuguant urbanisme, Régionalisme et Art Déco. C'est ce visage qu'elle conserve encore aujourd'hui.