Les souterrains de Cambrai
Souterrains refuges, militaires ou simples carrières d’extraction, le sous-sol de la ville de Cambrai est parsemé d’espaces souterrains vieux de plusieurs siècles.
Par Diane Ducamp.

Se promener à Cambrai, c’est déambuler dans des rues qui racontent l’architecture des XVIIe et XVIIIe siècles dans le centre-ancien, du XIXe siècle sur les boulevards et de l’Art déco dans le centre-ville. Se promener sous Cambrai, c’est explorer les vestiges d’une ville disparue, une ville qui se dévoile en négatif, une ville qui raconte ses origines et laisse entrevoir les strates de ce qu’elle a été : ville religieuse avec ses cryptes enfouies, ville militaire avec ses galeries devenues souterraines, ville en expansion avec ses anciennes carrières d’extraction de pierre calcaire.
Notre Cambrai est composé de deux villes, le Cambrai extérieur et le Cambrai souterrain, la ville du dessus et la ville du dessous.
Eugène Bouly et Adolphe Bruyelle
Les souterrains de Cambrai et du Cambrésis, 1847.
Les carrières
La tentation est souvent grande de superposer les plans pour comprendre comment le dessus et le dessous cohabitent. C’est même un exercice nécessaire pour trouver des repères comme sur ce document dressant en noir le plan des carrières et le tracé de la place d’Armes du XIXe siècle et en rouge le plan de la place Aristide Briand du XXe siècle.

Plan des souterrains de la grande place de Cambrai - fonds Faille, J14/46.
Le plan des carrières présente les deux types d’exploitations présentes à Cambrai pour extraire la pierre calcaire utilisée pour la construction : les catiches, plus anciennes, dont le principe consiste à creuser un puits qui est ensuite évidé, et les carrières dites en chambres et piliers formant une galerie autour d’un pilier central.
À l’intérieur des boulevards, ce sont 300 kilomètres de carrières qui parsèment la ville, reflétant le dynamisme architectural de la ville du XIe au XVIe siècle.
Le château de Selles
Environ 20 kilomètres supplémentaires sont d’anciennes galeries militaires devenues souterraines suite à l’évolution de la poliorcétique. On ne fait pas la guerre au XIXe siècle comme au XIIIe siècle : les techniques, les armes, les stratégies changent de même que les forteresses.
Ainsi, le château de Selles (XIIIe siècle), situé le long de l’Escaut à l’ouest de la ville, connaît une grande transformation au XVIe siècle lorsque les fortifications de la ville sont modernisées.

Photographie des remparts Nord-Ouest du château de Selles - fonds Faille, J17/02.
Il est alors arasé et remblayé sous une terrasse d’artillerie. À l’intérieur de ses murs, les gaines, qui permettaient autrefois d’assurer la surveillance des alentours, deviennent alors souterraines.
Elles sont aujourd’hui toujours accessibles sur deux niveaux et ornées de milliers de graffiti inscrits par des prisonniers entre les XIVe et XVIIIe siècle.
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Croquis des graffitis du château de Selles - fonds Prévost, L38.
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Croquis d'un graffiti du château de Selles, le « hallebardier » - fonds Prévost, L38.
La citadelle
Située sur les hauteurs du Mont-des-Boeufs à l’Est de la ville, la citadelle est construite au XVIe siècle selon les principes de la fortification bastionnée. De profonds fossés sont creusés le long de ses courtines et surveillés par des gardes situés dans une galerie aménagée à l’intérieur de ses murailles et percée d’embrasures de tir. Massive, étendue et imposante, la citadelle surplombe la ville et la campagne jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Vue à vol d'oiseau de la citadelle de Cambrai au XVIe siècle - fonds Faille, J4/3.
À cette époque, l’armée française change de stratégie de défense des frontières et autorise la ville de Cambrai à démanteler ses fortifications. Tout comme le château de Selles au XVIe siècle, les bastions de la citadelle sont arasés et les fossés comblés. Tandis que la ville continue de s’étendre et de se moderniser en surface avec l’aménagement des boulevards et la construction du collège des garçons (aujourd’hui cité scolaire Paul Duez), les galeries restent en l’état, en moyenne 10 à 15 mètres sous terre.
Une vieille fourmilière sous surveillance
Les plans les plus anciens des carrières, connus à ce jour, datent du XIXe siècle grâce au relevé méthodique réalisé par Eugène Bouly et Adolphe Bruyelle.
Les plans du château de Selles et de la citadelle, présentés ci-dessus, ont été réalisés par le service d’Inspection des carrières souterraines du département du Nord qui dans les années 1970 et 1980, met à jour la connaissance des réseaux.
Aujourd’hui, ce sont les services techniques de la Ville de Cambrai et le groupe de recherche et d’exploration en milieu souterrain (GREMS – SDIS 59) qui sont chargés d’en assurer le suivi.